Promouvoir l’internationalisation du football
Les Dirigeants Suisses et la Fédération Internationale de Football Association (Fifa) (1904-1954)

Grégory Quin,

(Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne)

Philippe Vonnard,

(Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne)

ABSTRACT

Some authors have already shown that Switzerland has been a keyplayer in the establishment of exchanges at the international scale in football. In this paper, we argue that the actions of the main leaders of the Association Suisse de Football et d’Athlétisme (ASFA) have played an important role in the development of the Fédération Internationale de Football Association (FIFA), from 1904 à to 1954. The research is mainly based on a documentation from rich FIFA and ASFA archives and by a general reading of the Swiss sport press.

KEY WORDS: History, FIFA, Switzerland.

1. Introduction1

De la mi-juin à la mi-juillet 1954, la Suisse est au cœur de l’attention des acteurs (dirigeants, journalistes et autres suiveurs du jeu) du football international. En effet, le pays accueil la cinquième édition de la Coupe du monde de football masculin. En Europe, le tournoi est attendu avec impatience, car il s’agit du retour de la Coupe du monde sur le Vieux continent - le précédent tournoi disputé en Europe datant de 1938. De plus, en raison de l’internationalisation croissante du football, c’est un nombre record d’équipes nationales qui participent aux phases de qualifications, dont les résultats permettront de sélectionner les 16 finalistes. Enfin, point d’orgue de cette importance conférée à l’épreuve, pour la première fois de l’histoire, une Coupe du monde connaît une télédiffusion en direct de plusieurs rencontres via le réseau Eurovision de l’Union Européenne de Radio (UER). La Coupe du monde de 1954 coïncide également avec le cinquantenaire de la garante de l’épreuve: la Fédération Internationale de Football Association (FIFA). Afin de commémorer cet anniversaire, une journée de festivités - qui rassemblent la plupart des hauts dirigeants du football mondial ainsi que des personnalités politiques (en particulier des membres du gouvernement suisse) - est organisée durant le tournoi.

Le fait que ces événements se déroulent en Suisse est loin d’être anodin et, au contraire, témoigne des connexions étroites qui existent entre l’Association Suisse de Football et d’athlétisme (ASFA), les principaux dirigeants du football helvétique (en particulier ceux qui officient à la tête de l’ASFA), et plus largement le territoire suisse, avec la FIFA. Depuis cinquante ans, l’ASFA - qui fait partie des membres fondateurs - participent avec dynamisme aux diverses activités de la Fédération internationale et constitue l’un de ses principaux bailleurs de fonds. Par ailleurs, plusieurs dirigeants qui composent l’élite2 de l’ASFA ont occupé des positions dans les organes principaux (comité exécutif, commissions permanentes et ad hoc) de la FIFA. Enfin, dans le sillage d’autres organisations internationales, la FIFA s’est établie en Suisse, plus précisément à Zurich, à partir de 1932.

Dans la présente contribution, il s’agit de revenir sur les liens solides qui existent entre la Fédération internationale de football et la Confédération helvétique, en se focalisant essentiellement sur un aspect, à savoir les actions des dirigeants helvétiques - en premier lieu ceux qui officient à la tête de l’ASFA - dans le développement de la FIFA. Nous posons l’hypothèse que leur activité a largement contribué à la consolidation de l’organisation. La période étudiée dans le cadre de cet article va de la création de la FIFA, en 1904, à 1954, soit au moment où une importante révision de ses statuts aboutit à la création d’entités continentales, situation qui va conduire à un réagencement progressif de l’administration du football international.

Depuis une dizaine d’années, quelques auteurs se sont intéressés aux cas des organisations internationales sportives et, par l’entremise des travaux de chercheurs tels Barbara Keys, Gabriel Bernasconi ou encore Andrew Beacom, nous savons désormais que ces entités sont, dès l’entre-deux-guerres, des acteurs majeurs de l’internationalisation des sports et, plus globalement s’affirment progressivement comme des actrices des relations internationales3. Pourtant - et si nous exceptons le cas du Comité International Olympique (CIO) - peu d’études se focalisent sur les enjeux qui entourent la structuration de ces organisations4. En ce qui concerne la FIFA, quelques travaux offrent néanmoins des premières pistes de réflexions sur son développement institutionnel5. De plus, des chercheurs ont déjà donné des éléments intéressants sur le profil des membres qui composent son élite, en particulier durant la première partie du siècle6.

Se basant sur ces études, cette recherche a comme ambition de les dépasser en faisant un pas supplémentaire puisqu’il s’agit ici de se focaliser sur le cas des dirigeants issus d’une des associations membres de la FIFA. À ce titre, notre démarche s’inspire de quelques recherches récentes qui se focalisent sur l’action des dirigeants sportifs helvétiques en faveur du développement du sport international7. En outre, l’enquête s’inscrit dans les travaux menés depuis quelques années déjà et qui s’intéressent au rôle des Suisses dans les organisations internationales8. Ces études montrent notamment que les dirigeants suisses occupent souvent une place importante en leur sein - qui est d’ailleurs inversement proportionnel à la démographie et à la géographie du pays - et qu’ils sont souvent très impliqués dans la résolution de crises institutionnelles (qu’elles résultent de problèmes internes ou du contexte politique international)9.

Les analyses présentées dans les lignes qui suivent se basent essentiellement sur une documentation collectée dans les archives de l’Association Suisse de Football (ASF) et de la FIFA. Ce corpus est complété par une lecture attentive de la presse sportive suisse entre les années 1920 et les années 1960 (Le Sport Suisse, Sport, La Semaine sportive), notamment pour identifier des articles nécrologiques et des prises de position plus personnelles des différents dirigeants suisses impliqués au sein de la FIFA.

L’étude est scindée en trois temps. Tout d’abord, nous proposons un cadre contextuel qui permet de souligner la position particulière de la Suisse au sein de la FIFA. Puis, il s’agit de revenir sur le rôle des dirigeants helvétiques dans la promotion des compétitions internationales de football (comme la Coupe du monde masculine). Enfin, nous abordons la posture de « médiateurs » des dirigeants helvétiques, c’est-à-dire leur capacité à créer du consensus, voire de préserver l’unité au sein de la FIFA, particulièrement à des moments difficiles de son histoire.

2. Des acteurs centraux de la FIFA

Il est désormais bien connu que le football s’est implanté en Suisse à la fin du XIXe siècle10 - des clubs sont fondés dès les années 1860-1870 et l’Association Suisse de Football et d’Athlétisme11 est créée en 1895, soit avant tous ses voisins - et que de nombreux citoyens suisses ont été des agents particulièrement actifs de l’établissement du football en Europe12. Dans cette partie contextuelle, il s’agit de souligner le rôle important de l’ASFA dans les cinquante premières années de l’histoire de la FIFA.

Œuvrer à la formation d’une organisation internationale

L’ASFA compte parmi les six fédérations qui participent à la fondation de la FIFA, à Paris dans le «moment internationaliste»13 du début du siècle dernier, plus précisément en 190414. L’organisation se donne comme principal but «de régler et de développer le football international et de prendre à cœur les intérêts de ses fédérations affiliées»15. Dans la capitale française, un comité exécutif formé d’un président et de trois vice-présidents, dont le délégué suisse, Victor Schneider, est désigné parmi la quinzaine de dirigeants présents.

Alors que l’équipe nationale suisse - dont les rencontres sont gérées par l’ASFA - dispute le premier match de son histoire à Paris en 1905 contre la France, la ville de Berne est choisie pour accueillir le troisième congrès de la FIFA en 1906. En l’absence du président, c’est d’ailleurs Victor Schneider qui assure la direction des discussions16. Absent en 1907, Schneider est à nouveau en charge des débats en 1908 à Vienne. Si le dirigeant suisse quitte ensuite son poste, constatons que de 1909 à 1914, l’ASFA est toujours présente aux congrès de la FIFA, avec systématiquement un représentant et peut dès lors être considérée comme un des piliers - en compagnie de l’Allemagne, de la Belgique ou des Pays-Bas - de la jeune organisation, dans un contexte d’accroissement des rencontres internationales auquel l’équipe nationale suisse participe activement17.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, l’ASFA renforce sa position au sein de la FIFA. En effet, comme un symbole, pour la reprise des discussions internationales en football, c’est la ville de Genève qui est choisie pour le congrès de 1923. Sur les bords du Lac Léman, un nouveau dirigeant suisse : Gabriel Bonnet, est nommé parmi les cinq membres (un président, trois vice-présidents et un secrétaire-trésorier) qui composent le comité exécutif de la FIFA.

L’entre-deux-guerres s’apparente à une période de consolidation du pouvoir de la Fédération internationale en tant qu’instance suprême du football international. Ce développement s’explique en particulier grâce à des décisions prises en vue de pérenniser son assise financière. Les congressistes présents à Paris en 1924 décident que l’organisation prélèvera un pourcentage (2 %) sur la recette brute de tous les matchs internationaux, dans le but de permettre à la FIFA de poursuivre une politique visant à promouvoir le développement du football. Cette décision va renforcer la position de l’ASFA comme membre importante de l’organisation. En effet, l’équipe nationale suisse compte parmi les équipes européennes les plus actives puisque de 1920 à 1943, elle joue 149 rencontres ce qui la place en deuxième position du nombre de matchs joués derrière l’Allemagne (168) mais devant des pays comme l’Italie (140), l’Autriche (133) ou encore la France (120)18. L’ASFA entretient en particulier des liens très fermes avec ses voisins, l’équipe nationale suisse rencontrant quasiment de manière annuelle l’Allemagne et l’Italie. De fait, ces parties offrent des gains financiers aux associations nationales ainsi qu’à la FIFA, mais elles permettent aussi d’étendre les liens qui se créent entre les dirigeants du football européen lors des congrès. Dès lors, les principaux membres du comité de football de l’ASFA se trouvent bien insérés dans ce que nous pourrions nommer la « communauté footballistique internationale»19 qui regroupe les dirigeants des associations nationales et de clubs ainsi que des journalistes.

Après le retrait de Gabriel Bonnet en 1927, aucun dirigeant suisse n’est toutefois élu dans le comité exécutif de la FIFA. Cette non-présence à la tête de la FIFA ne signifie pas pour autant que les dirigeants helvètes n’occupent pas une position importante dans l’organisation. D’une part, il faut souligner l’omniprésence de la (forte) délégation suisse – souvent composée de quatre délégués, soit le nombre maximum accepté par les statuts de la FIFA – lors des congrès de la Fédération internationale. Ainsi, les dirigeants suisses participent aux treize assemblées organisées durant l’entre-deux-guerres, au même titre que leurs collègues belge, français, hongrois, italiens, norvégiens, néerlandais, suédois et tchécoslovaques. D’autre part, des dirigeants helvètes sont souvent choisis à des postes clés de l’organisation, comme celui de vérificateurs des comptes. En outre, la Suisse est choisie pour accueillir le siège de l’organisation lors du congrès de 1932. Cette décision s’explique pour des raisons endogènes, à savoir que les congressistes refusent de placer le siège à Paris, soit la ville de domicile du Président, Jule Rimet. Ce procédé a pour but de conserver une certaine indépendance entre le secrétariat et la présidence. Des raisons exogènes, telles la stabilité du franc suisse, l’accessibilité du pays (par le train), la neutralité politique de la Suisse, voire les conditions fiscales favorables expliquent également ce choix20. La désignation de la Suisse confirme que pour les dirigeants du sport international, le pays est perçu comme une terre d’accueil propice, le CIO étant lui-même basé à Lausanne depuis 191521.

Une place particulière dans des périodes de criseDans les années 1930, la FIFA peut désormais compter sur près de cinquante membres, mais bientôt l’expansionnisme nazi autour des organisations internationales place les entités sportives face à une volonté d’ingérence de la part de l’Allemagne22. Cependant, et contrairement à d’autres organisations sportives internationales, comme la Fédération Internationale d’Escrime (FIE)23 et le CIO24, l’influence allemande au sein de la FIFA va demeurer relativement limitée, et ce malgré la nomination du dirigeant allemand Peco Bauwens dans le comité d’urgence en 194125. Un état de fait qui doit beaucoup à la localisation des bureaux de l’organisation à Zurich. Au printemps 1940, le secrétaire général Ivo Schricker – de nationalité allemande mais hostile au nazisme26 – reste pourtant sur ses gardes; face à un possible envahissement du pays par l’armée allemande, il envisage «de transférer le bureau de la FIFA pour quelques temps dans une petite localité près du Rigi», qui aurait comme avantage de lui laisser l’opportunité « même en cas de danger [de continuer à] correspondre librement et aussi [de] partir pour une autre région si nécessaire»27. Cette crainte n’est pas infondée, car si la Suisse est officiellement neutre28, la Belgique et les Pays- Bas l’étaient également mais sont désormais sous la coupe des autorités allemandes. Pour autant, Schricker n’aura pas besoin de mettre à exécution ses plans, en l’absence d’occupation allemande, la FIFA peut continuer, certes de manière réduite, son activité29. Durant cette période difficile, l’ASFA joue un rôle important dans la survie financière de la FIFA, l’équipe nationale helvétique continuant de jouer plusieurs rencontres internationales jusqu’en 1943. En outre, le président de l’ASFA, Otto Eicher, qui a été nommé vérificateur des comptes par le congrès de 1938, vient en aide au secrétaire général en tant que suppléant du membre du comité exécutif en charge de tenir les comptes de l’organisation: le Tchèque Rudolf Pelikan.

Tableau 1 – Récapitu latif des pourcentages sur les matchs internationaux perçus par la FIFA (1935-1949)30

Année Total des pourcentages perçus par la FIFA
1935* 19’960.90
1936 26’637.58
1937 51’356.10
1938** 40’894.49
1939 27’763.90
1940 13’578.55
1941 9’322.05
1942*** 18’644.60
1943 1’837.91
1944 13’035.14
1945 Non disponible
1946 28’736.43
1947 34’307.30
1948 34’259.57
1949 72’503.37

Légende :

* : Les données indicatives sur 1935 et 1949 ont été prises lors d’années non concernées par une Coupe du monde ou par un Tournoi olympique par souci de représentativité.

** : Les pourcentages de 1938 ne tiennent pas compte des recettes engendrées par la Coupe du monde.

*** : Les chiffres de 1942 sont dopés par l’organisation de la Copa America, c’est-à-dire le championnat continental organisé par la Confédération sud-américaine de football.

Cette position centrale des dirigeants helvétiques au sein de l’organisation continue après la guerre puisqu’en novembre 1945, soit quelques mois après la fin des hostilités, la ville de Zurich accueille une réunion du comité exécutif de la FIFA qui doit permettre d’officiellement préparer la prochaine assemblée générale de l’organisation et statuer sur l’avenir du football européen. Lors du premier congrès après la fin de la guerre, qui est organisé au Luxembourg en 1946, le dirigeant neuchâtelois Jean Krebs est choisi pour faire partie de la nouvelle équipe qui forme le comité exécutif de la FIFA. Dans ces temps difficiles, marqués par les reliquats de la guerre et l’entrée en Guerre froide, les liens entre l’ASFA et la FIFA semblent se resserrer. En effet, la délégation suisse présente le projet d’organiser la première Coupe du monde en Europe après la Deuxième Guerre mondiale31, proposition faisant suite à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 1948 à Saint-Moritz. À noter que plusieurs dirigeants du football suisse – tous membres du comité central de l’ASFA à cette époque –, comme Ernst Thommen, Kurt Gassmann ou Albert Mayer32 sont impliqués très concrètement dans l’organisation des Jeux olympiques de 1948, respectivement en qualité de président de la commission des finances, de vice-président du comité d’organisation et de délégué du CIO auprès du comité d’organisation. Il y a donc une volonté manifeste au sein des élites sportives d’organiser des grandes compétitions internationales, sans doute dans le but de dynamiser le sport dans le pays (en particulier chez les jeunes) et d’améliorer les infrastructures pour la pratique d’élite. Accueillie favorablement, la requête des dirigeants helvètes est confirmée en 1948, puis officiellement acceptée lors du congrès de 1950. La Suisse organisera donc la cinquième Coupe du monde de l’histoire en 1954. Le choix de ce pays est à souligner, car vingt-cinq ans après l’Uruguay, une association nationale aux moyens limités - et qui au contraire du pays sud-américain ne peut se targuer de posséder une équipe nationale très performante - est choisie pour organiser le tournoi.

Le début des années 1950 marque une sorte d’apogée de la position des dirigeants suisses au sein de la Fédération internationale. En effet, dès 1950, Ernst Thommen remplace Jean Krebs dans le comité exécutif de la FIFA. Le Bâlois, qui connaît une ascension fulgurante dans les arcanes du football helvétique depuis le début des années 1920, compte parmi les acteurs les plus dynamiques de la nouvelle génération de dirigeants qui commencent à émerger sur la scène footballistique internationale. Intéressé par le développement du football international et proche d’autres dirigeants influents, comme l’Italien Ottorino Barassi et l’Anglais Stanley Rous, il va s’installer comme un acteur incontournable de la FIFA durant une dizaine d’années33. En 1951, il joue un rôle central dans la nomination du nouveau secrétaire général: Kurt Gassmann34, en remplacement d’Ivo Schricker qui atteint alors l’âge de sa retraite. Ainsi, deux des principaux dirigeants du comité exécutif sont de nationalité suisse, situation qui confirme la position importante occupée par les ressortissants de ce pays au sein de l’organisation.

Tableau 2 – Dirigeants helvétiques engagés au sein du comité exécutif de la FIFA (1904- 1954)35

Années de mandat Dirigeants Fonctions
1904-1908 Victor Schneider Vice-président
1923-1930 Gabriel Bonnet Vice-président
1946-1950 Jean Krebs Membre
1950- Ernst Thommen Membre puis vice- président
1951- . Kurt Gassmann* Secrétaire général

Légende: * En tant que secrétaire général de la FIFA, Gassmann participe aux réunions du comité exécutif (toutefois sans droit de vote)

Tableau 3 – Représentation nationale au sein du comité exécutif de la FIFA (1904-1954)36

Pays Année d’entrée au comité exécutif Années de présence au comité exécutif
Pays-Bas 1904 35
Suisse 1904 32
Belgique 1904 31
France 1904 29
Allemagne 1906 29
Italie 1923 21
Angleterre 1906 18
Suède 1908 15
Hongrie 1923 14
Tchécoslovaquie 1931 11
Finlande 1927 9
Y ougoslavie 1932 8
Confédération Sud-Américaine 1946 8
URSS 1946 8
Chili 1946 8
Espagne 1927 7
Norvège 1932 6
Danemark 1904 6
Uruguay 1928 6
États-Unis d’Amérique 1948 6
Ecosse 1946 4
Portugal . 1938 . 1

Légende: Les années s’écoulant entre 1914 et 1923, puis celles entre 1940 et 1946, ne sont pas comptées dans les statistiques en l’absence de réunion formelle d’un comité exécutif de la FIFA ou en l’absence de renouvellement de la composition du comité (due à la non-tenue de congrès). Les totaux cumulent les années passées par les dirigeants, selon leur nationalité, dans les différentes fonctions du comité exécutif de la FIFA (président, vice-président, membre, secrétaire).

S’attelant à renforcer la structure administrative de la Fédération internationale, durant près de trois ans, Thommen et Gassmann cherchent également à trouver un nouveau siège pour la FIFA, lequel est finalement inauguré sur les hauts de Zurich au printemps 1955.

Ce bref tour d’horizon a permis de souligner, en particulier avec l’aide de quelques données quantitatives, de la position privilégiée des dirigeants suisses - et plus largement de l’ASFA - au sein de la FIFA durant ses cinquante premières années. Dans la suite de l’analyse, nous souhaitons mettre l’accent sur deux éléments plus qualitatifs qui nous semblent particulièrement bien illustrer cette situation: le rôle des Suisses dans le développement des compétitions internationales (et en particulier de la Coupe du monde) et leur propension à jouer les médiateurs sur des sujets délicats, voire dans des moments difficiles de l’histoire de l’organisation.

3. Créer des compétitions internationales de football

Dès sa fondation en 1904, la FIFA se réserve un droit exclusif d’organiser un championnat international de football37. À ce titre, des dirigeants suisses se montrent d’emblée actifs, puisqu’ils vont porter le projet d’une première compétition internationale qui pourrait avoir lieu sur son sol à l’occasion du troisième congrès de l’institution internationale en 1906. Ce projet est notamment à mettre au crédit de Victor Schneider. Lors du deuxième congrès de la Fédération internationale, en 1905, les délégués abordent directement la question de la création d’un championnat international de football portée par le dirigeant helvète. Cependant, l’année suivante, le projet de compétition est abandonné, faute de compétiteurs intéressés.

Coupe internationale, Coupe des nations et Coupe du monde

Durant les années 1920, à la faveur du conflit qui existe entre la FIFA et le CIO38, l’idée de créer un championnat du monde de football commence à se faire plus pressante, les dirigeants français, en premier lieu Henri Delaunay et Jules Rimet, jouant un rôle majeur dans cette création39. S’il ne s’agit pas de remettre en question le rôle incontournable de ces dirigeants, mentionnons que d’autres acteurs participent aux discussions et en particulier le Suisse, Gabriel Bonnet. Alors que plusieurs compétitions existent désormais sur le continent, tels les championnats britanniques et scandinaves ainsi que la Coupe internationale, lancée officiellement en 1927 et disputée par l’Autriche, l’Italie, la Hongrie, la Suisse et la Tchécoslovaquie40, des échanges ont lieu sur la création d’une compétition directement administrée par la FIFA. À l’occasion d’une réunion du comité exécutif de la FIFA, qui se tient à Paris le 10 décembre 1926, un « comité d’organisation » propose l’organisation d’une Coupe d’Europe à jouer « entre les meilleures équipes nationales, qu’elles soient composées d’amateurs, de professionnels ou des deux »41. En fait, d’emblée deux projets sont soumis : l’un pour les clubs (sous-entendus pour les clubs des pays ayant alors introduit le professionnalisme) et l’autre pour les équipes nationales (ouverte à toutes les associations affiliées à la FIFA). Après discussions, le comité exécutif désigne une commission d’étude, dans laquelle nous retrouvons Gabriel Bonnet, laquelle devra se réunir dès le mois de février 1927 à Zurich.

Au-delà de certaines réticences liées à la question du statut des joueurs42 et des rivalités internationales, il semble que l’idée d’une compétition internationale soit globalement acceptée à la fin des années 1920. Dans un climat politique continental apaisé - dont témoigne la signature du « pacte Briand-Kellogg » -, dans une période marquée par des avancées techniques en termes de transport et alors que les statistiques témoignent d’une régularité des rencontres internationales toujours plus avérée, lors de la réunion de février 1927, le comité réunit par la FIFA s’arrête sur deux propositions. Ce sont deux visions du football qui s’opposent, à savoir celle d’Henri Delaunay et celle d’Hugo Meisl. En d’autres termes, d’une part, le modèle de la « Coupe » à celui du « Championnat » ; d’autre part, celui d’une Coupe mondiale à celui d’un Championnat d’Europe. Il va encore falloir deux bonnes années de discussions avant la création de l’épreuve43, George Bonnet jouant, si nous suivons les propos de Paul Dietschy, un rôle d’arbitre entre les deux tendances44. C’est finalement le modèle préconisé par le dirigeant français, Henri Delaunay qui est choisi.

Le premier tournoi est, dans la foulée, attribué à l’Uruguay. Toutefois, malgré un vote de soutien en faveur de ce pays lors du congrès de 192945, dans les mois qui suivent la majorité des associations nationales européennes - en particulier celles qui participent à la Coupe internationale - refusent de faire le long déplacement évoquant notamment le trop long et coûteux déplacement (un mois de bateau au moins pour un trajet). Un état d’esprit eurocentré46 s’additionne à une désapprobation générale face à la décision qui a été prise par la FIFA de confier l’organisation du premier tournoi mondial à l’Uruguay. Or, quelques semaines avant le début de la compétition, une importante épreuve européenne pour les clubs est disputée à Genève. Officiellement, il s’agit de commémorer l’inauguration de la tribune du nouveau stade du FC Servette de Genève, construite à l’occasion des 40 ans du club. Toutefois, l’importance de la manifestation - avec dix formations qui proviennent de dix pays différents, dont tous les pays de l’Europe centrale, soit la plus grande compétition européenne de clubs jamais organisée dans l’histoire - et sa symbolique, cette Coupe des Nations47 permet à des commentateurs européens du football de l’époque de la considérer comme la principale manifestation de football de l’année 193048. Ainsi, sur le Vieux Continent, la Coupe des nations a pour conséquence de minimiser le lancement de la Coupe du monde et il est envisageable de penser que des associations nationales, à l’instar de l’ASFA, acceptent que leurs clubs participent à ce tournoi organisé par des acteurs privés (en l’occurrence le FC Servette de Genève et l’association des intérêts de Genève) pour souligner leur mécontentement face aux conditions de l’organisation du premier tournoi mondial.

Cependant, dès la deuxième édition de la Coupe du monde, les choses se normalisent et les associations continentales participent à l’épreuve, disputée respectivement en Italie (1934) et en France (1938). Si l’ASFA n’a pas envoyé d’équipe en 1930, elle va prendre part à ces deux éditions et même être l’une des rares associations européennes à inscrire une équipe lors de l’épreuve de 1950, pourtant organisée au Brésil49. Quatre ans plus tard, le pays organise lui-même l’épreuve, situation qui constitue alors un défi de taille pour les dirigeants helvétiques.

La Coupe du monde de 1954, un tournant?

En effet, l’édition de 1950 marque un tournant puisque la FIFA perçoit un montant d’un million de francs suisses issu des recettes de la compétition, ce qui fait dire à son secrétaire général qu’elle est désormais «riche»50 tant la somme permet de combler un déficit chronique sur presque quatre années et, dans le même temps, de reconstituer les réserves d’avant-guerre. Dès lors, des interrogations se posent autour de la viabilité du projet helvétique. La petitesse des stades oblige les organisateurs à imaginer de les rénover (comme à Berne et Genève), voire de créer de nouvelles infrastructures (en particulier à Bâle, Lausanne et Zurich) démarche qui nécessite un fort investissement de la part des autorités locales et cantonales51. Or des oppositions existent dans certaines villes, comme à Bâle ou Zurich, où la population refuse en votation populaire que les autorités communales mettent à disposition les crédits nécessaires pour l’édification de nouvelles enceintes52.

Si l’ASFA va néanmoins réussir à répondre aux défis de l’organisation de la Coupe du monde, c’est en particulier grâce aux actions d’un comité d’organisation particulièrement actif, présidé par Ernst Thommen. Le président de l’ASFA - pour rappel, également membre du comité exécutif de la FIFA - peut compter sur la présence de personnalités politiques importantes, comme les conseillers nationaux Häfelin et Ackermann53. De plus, en tant que directeur de la Société du Sport-Toto - la société officielle de paris sportif créée en 193854 -, il va largement contribuer à soutenir aux travaux de rénovation prévus dans les enceintes55. C’est en particulier le cas à Bâle, où Thommen s’active au niveau local pour contourner la décision populaire et réussit finalement à trouver des moyens pour financer la construction du nouveau stade. Ce dernier est finalement inauguré en avril 1954 par un match entre la Suisse et l’Allemagne qui réunit plus de 54’000 spectateurs.

Tableau 3 - Capacité des stades utilisés durant la Coupe du monde 1954

Berne 64 621
Lausanne 50 538
Genève 35 824

Par ailleurs, et dans le but d’attirer un maximum de visiteur en Suisse durant l’épreuve mais aussi d’assurer sa publicité en Suisse et à l’étranger, le comité d’organisation travaille en lien étroit avec l’Office fédéral des transports et du tourisme56. Malgré les craintes de départ, la Coupe du monde organisée en Suisse constitue une réussite au regard de sa rentabilité économique. Ainsi, avec un taux de remplissage des stades de 56% en moyenne (avec quasiment près de 90% à partir des demi-finales), la somme reçue par la FIFA de la part de la société créée pour organiser la compétition est quasiment équivalente à celle transmise quatre ans plus tôt par la Fédération brésilienne57. La manne financière permet donc à la Fédération internationale de continuer à étendre ses activités mais aussi de redistribuer une partie de l’argent à ses associations membres. Ce résultat financier est important pour la FIFA, car dans les mois qui suivent, les nouvelles confédérations continentales, en premier lieu l’Union des Associations Européennes de Football (UEFA) - créée en 1954 - vont lui demander - en suivant le modèle de la Confédération sud-américaine - qu’elle rétrocède la moitié du pourcentage qu’elle touche sur les matchs internationaux. Ce souhait, qui est accepté par les délégués du congrès de la FIFA qui se déroule à Lisbonne en 1956, constitue une perte de liquidité importante pour la FIFA58. De fait, désormais les recettes de la Coupe du monde sont d’autant plus cruciales pour l’organisation et les futurs organisateurs devront, en ce sens, suivre l’exemple helvétique.

Par ailleurs, la Coupe du monde de 1954 marque quelques innovations. Premièrement, elle témoigne de l’internationalisation du tournoi puisque pour la première fois plus de 40 équipes s’inscrivent aux qualifications59. Deuxièmement, le mode de compétition sous forme de coupe est remplacé par un système de poules, qui permet aux équipes de disputer un minimum de deux, voire dans certains cas, trois matchs. Ce mode d’organisation sera par la suite répété dans les éditions suivantes. Troisièmement, un nouvel acteur fait son entrée en scène : la télévision. Ainsi, l’épreuve helvétique est la première à connaître une diffusion de rencontres (un total de 10) en direct sur le nouveau réseau « Eurovision » de l’Union Européenne de Radio, créée en 195060. Le fait que le siège administratif de l’UER soit basé en Suisse (plus précisément à Genève) et que le directeur des programmes de l’Eurovision, le Suisse Marcel Bezençon, entretienne un lien semble-t-il privilégié avec des dirigeants de l’Association suisse de football61, font beaucoup pour ce qui est alors perçu comme une prouesse technique par les chroniqueurs de l’époque. Dans les futures éditions, cette relation télévision-football va se renforcer et permettre à la FIFA de désormais toucher des montants des organismes de télévision en vue de la retransmission des rencontres62. Pour toutes ces raisons, le tournoi disputé en Suisse marque donc une sorte de tournant en matière d’organisation de la Coupe du monde.

4. Jouer les médiateurs

La finale de l’édition de 1954 voit une opposition entre la République fédérale allemande et la Hongrie. La partie a donc une portée éminemment symbolique puisqu’elle marque autant la réacceptation de l’Allemagne sur la scène internationale qu’une opposition entre les pays de l’Est et de l’Ouest de l’Europe, désormais divisés par la Guerre froide. Le fait que ce match se déroule en Suisse n’est pas anecdotique et renvoie à différents moments de l’histoire du football international dans la première moitié du 20ème siècle, où la Suisse s’est positionnée comme un pont entre les différentes associations nationales au sein de la FIFA et en particulier entre celles qui sont divisées sur la scène internationale.

Des promoteurs en puissance de l’apolitisme sportif

Dès 1914, alors que l’assassinat de Sarajevo vient de se produire, le délégué suisse, Buser, demande à ses collègues réunis pour le onzième congrès ordinaire de la FIFA de favoriser « toute action qui tend à rapprocher les nations les unes des autres et à substituer l’arbitrage à la violence dans le règlement des conflits qui pourraient les opposer»63. Ce message souligne la volonté des dirigeants helvétiques œuvrant au sein de la FIFA de considérer le domaine sportif comme devant se développer en dehors des vicissitudes du contexte politique international. Cette posture se retrouve dans l’immédiat après-guerre. En effet, plusieurs dirigeants de l’ASFA souhaitent que les relations internationales sportives reprennent rapidement. Or, comme d’autres sports, en raison de sa démocratisation64, le football devient un enjeu de la politique extérieure de plusieurs États65. Au sein du CIO, les vainqueurs de la guerre décident d’exclure les vaincus (l’Allemagne et les deux nouveaux pays que sont l’Autriche et la Hongrie) des Jeux « de la Paix » d’Anvers en 1920. Cette situation se retrouve au sein même du football helvétique, un clivage existant entre une partie des dirigeants romands, plutôt défavorables à rejouer contre les vaincus et une partie des dirigeants alémaniques qui y sont plutôt favorables66. C’est cette deuxième posture qui va finalement l’emporter dans le pays, non sans vives discussions, et surtout être défendue par les dirigeants helvétiques sur la scène footballistique internationale. En compagnie de dirigeants d’associations nationales prônant une neutralité sportive vis-à-vis du contexte politique international, en particulier celles des Pays-Bas et de la Suède, des représentants de l’ASFA s’opposent aux décisions prises à l’occasion d’un congrès organisé à la fin du mois de décembre 1919, à Bruxelles, entre des dirigeants anglais, belges et français et dont les travaux s’appuient sur les décisions du Traité de Versailles67.

Dans les faits, les dirigeants helvètes vont œuvrer à faire pencher la balance en faveur du camp des pays neutres et aider à conserver la structure de la Fédération internationale. En effet, l’équipe nationale affronte l’Allemagne en date du 27 juin à Zurich. Cette action n’est pas sans conséquence puisque les associations britanniques décident de quitter immédiatement la FIFA. Leur départ semble en fait une aubaine pour permettre un retour au dialogue et lors des Jeux olympiques de 1920, un congrès officieux de la FIFA est organisé qui voit la nomination au poste de président de Jules Rimet. Président de la Fédération française, ce dernier s’était plutôt personnellement opposé à une trop forte sanction contre les pays vaincus. Selon Paul Dietschy, le choix de Rimet porte lui-même «l’abandon progressif d’une politique radicale à l’égard des vaincus»68.

Suivant cette politique d’accalmie, le premier congrès organisé après la guerre a lieu à Genève. En effet, «l’esprit Genève»69 - concrétisé par la présence de la Société des Nations - doit permettre de renouer le dialogue après cette période difficile pour l’organisation. Lors des discussions, le nouveau représentant suisse élu dans le comité exécutif, Gabriel Bonnet s’interroge notamment sur la situation internationale et « remarque que si la guerre est terminée depuis presque cinq ans, il y a toujours des associations nationales qui refusent de se rencontrer [...]. Il en appelle alors à la raison de ces associations pour travailler à la paix dans les relations internationales»70. Nul doute que la présence du représentant de ce pays neutre amène une forme de neutralité dans les débats et ce d’autant plus que la FIFA doit désormais faire face à un autre sérieux problème qui envenime les relations entre ses associations membres: la querelle entre promoteurs du professionnalisme et de l’amateurisme.

La posture de Bonnet est symptomatique de ces dirigeants de l’entre-deux-guerres qui œuvrent dans les organisations internationales sportives71 et considèrent le sport comme apolitique. Certes, cette posture peut paraître naïve, mais chez un homme comme Bonnet il ne s’agit pas d’un réflexe utopique, le dirigeant suisse étant dans le même temps très actif en politique puisqu’il est président du parti libéral suisse72. Défendre une posture apolitique est en fait une véritable politique en soi73, le sport véhiculant des valeurs permettant de diffuser le modèle de société prôné par ces acteurs plutôt de tendance libérale74. Par ailleurs, il faut aussi tenir compte qu’une grande partie de ses dirigeants ont eux-mêmes joués au football et sont des passionnés de jeu. En conséquence, et en raison du côté cosmopolite du football mais aussi de leur trajectoire transnationale, ils prônent le développement des échanges supranationaux en football, posture qui doit aussi permettre de consolider l’assise de la FIFA. En ce sens, leur aspiration se rapproche de celle des experts ou autres ingénieurs qui forment ce que Johan Shot et Vincent Langedick ont nommé « l’internationalisme technocratique»75.

Durant les années 1930, l’Association suisse de football s’évertue à se positionner comme un acteur créant du lien entre les associations membres de la FIFA, jouant un très grand nombre de rencontres internationales aux quatre coins de l’Europe, dont certaines révèlent la politique opportuniste du gouvernement suisse. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les dirigeants helvètes continuent à organiser des rencontres, n’hésitant pas à faire disputer des matchs à l’équipe nationale contre les alliés de l’Allemagne nazie et en particulier contre un nouvel État : la Croatie76. Au sortir du conflit, les dirigeants suisses vont à nouveau être appelés afin de jouer un rôle dans la préservation de l’unité de la FIFA.

Négocier les conséquences de la Deuxième Guerre mondiale

Lors du mois de juillet 1945, soit environ trois mois après la capitulation allemande, l’Association suisse envoie également un courrier à toutes les fédérations nationales européennes dans le but
« de reprendre les relations sportives par des matchs internationaux représentatifs»77. Cette même année, l’équipe helvétique dispute cinq parties internationales, respectivement contre la France, le Portugal, l’Angleterre, l’Italie et la Suède. Par l’entremise de leur association nationale, les dirigeants suisses se veulent donc très actifs dans la reprise des relations internationales sportives et joue un rôle particulièrement important au sujet du cas de l’Italie. En effet, dès novembre 1945, l’équipe nationale suisse joue contre l’Italie alors que des discussions existent pour savoir si ce pays peut conserver son statut de membre de la FIFA. Selon Nicola Sbetti, ce match est hautement symbolique et comme vingt-cinq ans auparavant avec l’Allemagne, il permet à l’Association italienne de se maintenir au sein de la Fédération internationale78.

Le cas allemand est également vivement discuté au sein de la FIFA. Dans les faits, la disparition du Deutsche Fussball Bund (DFB) entraîne son exclusion de la Fédération internationale, ses statuts indiquant que pour entretenir des relations avec un pays, il est nécessaire que ce dernier dispose d’une association nationale79. En conséquence, il est décidé que « les associations affiliées, leurs clubs et leurs membres ne peuvent plus entretenir de relations sportives avec les dirigeants ou des footballeurs allemands»80. Si un consensus sur ce sujet règne au sein de la FIFA, la situation est cependant délicate puisque rapidement, en particulier dans les zones frontalières, des rencontres entre des clubs suisses et allemands ont lieu. L’impact de ces matchs au sein de la FIFA et finalement le rôle de l’ASF dans le processus qui va conduire au retour de l’Allemagne (de l’Ouest) dans le giron de la Fédération internationale en 1950 a déjà été bien décrit par Henry Wahlig81 et Heather Dichter82. Il ne s’agit donc pas ici de revenir sur ce processus mais simplement de souligner, peut- être davantage que n’ont pu le faire ces deux auteurs, combien la position de l’élite dirigeante de l’ASFA, en premier lieu son président, Ernst Thommen, son secrétaire général, Helmut Käser, ou des membres influents de son comité de football, tel Gustave Wiederkehr, a permis d’ouvrir la porte à une réaffiliation du DFB. A cette occasion, Ernst Thommen est élu président d’honneur de cette association, distinction qu’il reçoit afin de le remercier pour son action en vue de l’acceptation de la nouvelle institution au sein de la FIFA83. C’est la première fois de l’histoire du football allemand qu’un dirigeant étranger reçoit ce qui s’apparente, dans les milieux du football de l’époque, à une importante distinction.

De même, malgré le fort anticommunisme qui existe dans le pays et une position sur la scène politique internationale qui a fait dire à des chercheurs qu’elle peut être considérée comme un «Western neutral»84, la Suisse se positionne également à la pointe des échanges avec les pays de l’Est85. Tout d’abord, durant les discussions qui existent pendant les années 1946 et 1947 au sein du comité exécutif de la FIFA au sujet de l’adhésion de l’URSS, le Suisse Jean Krebs défend, avec le Chilien Bianchi, le Néerlandais Lotsy et le Yougoslave Andrejevic - et en opposition aux autres dirigeants du comité exécutif - une position plutôt conciliatrice en souhaitant que des permissions de jouer contre des équipes soviétiques soient accordées en attendant l’affiliation définitive de l’URSS86. De plus, dès que l’arrivée de ce pays est actée, soit au début de l’année 1947, l’ASFA envoie rapidement un courrier à l’organisme central du sport soviétique afin de discuter de l’organisation d’une éventuelle rencontre contre une formation soviétique qui « pourrait avoir lieu dans le cadre d’une tournée [de cette équipe] dans les pays de l’Europe occidentale, soit en France, Belgique, Hollande ou en Italie»87. Signe de ces relations footballistiques privilégiées avec les pays de l’Est, l’équipe nationale suisse va également être le premier pays à rejouer officiellement contre un pays du bloc communiste en 1952, plus précisément la Hongrie en septembre 1952. En effet, de 1949 à 1952, aucun match Est-Ouest n’a lieu symbolisant ainsi l’état de tension qui existe entre les deux blocs au tournant des années 195088.

Parallèlement, à ces actions, deux dirigeants suisses vont s’avérer incontournables dans l’élite dirigeante de la FIFA et ce dès la sortie de la Guerre. Ainsi, alors qu’il s’agit de reformer un comité exécutif capable de surmonter les affres du conflit, le Finlandais Erik von Frenckell propose, durant le congrès de 1946, de ne pas procéder à un vote mais de choisir les dirigeants qui composeront l’organe au moins jusqu’au congrès de 1948. Après avoir «eu des conversations avec les délégués de différents pays»89 , il soumet huit noms à l’assemblée, parmi lesquels celui du dirigeant helvétique: Jean Krebs. Krebs reste en poste durant quatre ans. Lors du congrès de 1950 qui se déroule pendant la Coupe du monde au Brésil, un autre dirigeant suisse le remplace : Ernst Thommen. Le choix de Thommen en remplacement de Jean Krebs est tout sauf anodin, car après l’affaire allemande et l’entrée dans la Guerre froide qui impacte les relations footballistiques européennes, la FIFA entre dans une nouvelle période de turbulence. En effet, sa structure n’est plus conforme à l’internationalisation du football qui voit vingt-et-une nouvelles associations - dont quatorze extraeuropéennes - faire leur entrée entre 1946 et 195090. Ces associations, surtout africaines et asiatiques, n’hésitent pas à proposer une décentralisation de la FIFA afin de pouvoir mieux développer le football dans leur région. S’ajoute à ces revendications, celle des dirigeants sud-américains qui depuis l’entre-deux-guerres militent en faveur de la création d’organismes continentaux sur le modèle de la Confédération sud-américaine créée en 191691. Enfin, le secrétaire général, Ivo Schricker, décide de prendre sa retraite après vingt ans de service. Pour répondre à ces différents enjeux, des dirigeants européens, et en premier lieu Ernst Thommen, pensent qu’il est nécessaire d’adapter la structure de la FIFA.

Alors qu’une réorganisation de la Fédération internationale est acceptée par les congressistes présents à Rio de Janeiro92, un premier pas en vue d’une professionnalisation du secrétariat est franchi avec l’engagement de Kurt Gassmann au poste de secrétaire général. Ce dernier prend rapidement des mesures en vue d’acheter du nouveau matériel de bureau et étoffe son équipe avec l’engagement d’un adjoint de nationalité... suisse: Hans Bangerter93. Proche de Thommen, Gassmann a été secrétaire général de l’ASFA de 1916 à 1942 et connaît bien de nombreux dirigeants de l’élite de la FIFA94. Gassmann dispose donc d’une sérieuse expérience en matière d’administration du football et a l’avantage de s’inscrire dans une certaine continuité avec Ivo Schricker. Sous l’impulsion du nouveau secrétaire général, le secrétariat de la FIFA va se professionnaliser. Désormais, les documents officiels (les procès- verbaux des commissions et congrès ainsi que les circulaires) sont plus standardisés et précis, les dates de rédaction et le nom de l’auteur étant par exemple le plus souvent indiqués. De même, une modernisation de l’équipement intervient puisque, dès sa prise de fonction, Gassmann demande à acquérir du matériel neuf et en phase avec l’époque (machines à écrire et meubles de bureau). Il s’agit également de transmettre davantage d’informations aux associations nationales et l’idée de relancer un bulletin officiel ressurgit. Le but de cette publication, qui se concrétise quelques mois plus tard sous le titre de Bulletin de la FIFA, consiste à « publier toutes les décisions importantes et d’un caractère général, ainsi [qu’à] renseigner les associations sur le travail et les intentions des organes de la FIFA»95.

Toutefois, ces changements ne sont pas suffisants pour faire baisser les tensions au sein de la FIFA. De fait, l’assemblée générale de 1952 voit des oppositions très nettes se dessiner entre ­Européens de l’Ouest et Sud-américains, tandis que le bloc des pays communistes défend une position visant à bloquer toutes les réformes. Face à cette situation qui semble inextricable, Ernst Thommen va jouer une diplomatie habile, notamment en organisant plusieurs réunions informelles entre les associations européennes. À ce titre, il tente, avec le concours d’Ottorino Barassi, de créer une voix commune entre les dirigeants du Vieux Continent, démarche qui aboutit finalement à la veille d’un congrès extraordinaire de novembre 1953 - qui doit justement discuter de la réorganisation de l’organisation - avec une décision sur la possible création de confédérations continentales au sein de la FIFA. Parallèlement, il essaie de convaincre ses collègues du comité exécutif d’éventuellement accepter cette possibilité96. Puis, durant les débats lors du congrès, il continue son travail et, avec l’aide d’autres dirigeants influents, élabore un compromis qui est discuté en marge des sessions entre les dirigeants européens et sud-américains. Finalement, ce qui est désigné sous le nom de « compromis Thommen » est accepté par l’assemblée à la seule exception des pays du bloc communiste97.

Cette décision marque une nouvelle phase dans l’histoire de la FIFA puisqu’il s’agit désormais pour les continents de créer leur organisation continentale. Sept mois plus tard, à Bâle - c’est-à-dire dans sa ville natale -, Ernst Thommen ouvre un congrès qui va accuser de la fondation d’une organisation européenne de football. Fait intéressant, les associations des pays du bloc communiste acceptent de participer à la création de l’organisation98. Or, il s’agit d’une exception, car les nombreuses organisations nommées « européennes » créées à la même période, que ce soit dans les domaines politiques, économiques, culturels, scientifiques ou encore techniques, ne vont pas au-delà du Rideau de fer. Dans la lignée de ses prédécesseurs, Thommen se permet de souhaiter la bienvenue aux congressistes et espère que les dirigeants pourront montrer «l’exemple d’une Europe unie»99. Une posture conciliatrice que n’aurait sans doute pas reniée un diplomate helvète officiant lors d’un sommet de politique internationale.

5. Conclusion

Le tour d’horizon proposé dans les lignes précédentes avait comme ambition de souligner l’activisme des dirigeants suisses au sein de la FIFA. Au terme de l’enquête, il est permis d’affirmer qu’ils ont joué un rôle de pointe dans la consolidation de l’organisation au cours des cinquante premières années du 20ème siècle. En effet, les dirigeants helvètes occupent de nombreuses fonctions au sein du comité exécutif et y siègent de longues années durant, se montrant souvent des acteurs dynamiques qui cherchent à développer la FIFA. À ce propos, nous avons pu souligner que les dirigeants suisses jouent un rôle important dans la mise en place de compétition internationale et, en particulier que la Coupe du monde de 1954 fait office de tournant sur plusieurs points. De même, ils sont fréquemment en première ligne dans les moments de tension que connaît la Fédération internationale, comme au sortir de la Deuxième Guerre mondiale puis lors de la réorganisation de la FIFA qui se déroule de 1950- 1953. Enfin, et pour apprécier cette influence des dirigeants helvétiques, il faut encore souligner que le siège de la FIFA se trouve à Zurich depuis le début des années 1930 et que les pourcentages versés par l’ASFA à la Fédération internationale sur les matchs internationaux - qui découle directement de l’intérêt des dirigeants suisses pour les rencontres internationales - constituent, en particulier dans des moments difficiles (comme la Deuxième Guerre mondiale) des sources de revenus non-négligeable pour la FIFA.

Dans de futures recherches, il s’agira de faire un pas supplémentaire dans l’analyse et de davantage comprendre les logiques sociales, économiques ou plus spécifiquement footballistiques, qui sont sous-jacentes au fort engagement de ces dirigeants helvètes dans ces organismes internationaux et qui font d’eux des véritables «agents de l’internationalisme»100 sportif. De plus, il serait intéressant d’élargir le cadre de la présente étude à d’autres organisations internationales sportives ce qui permettrait de circonscrire la place de ces dirigeants suisses dans la « communauté internationale sportive » et d’insister sur les liens qui les unissent. En d’autres termes, y a-t-il un réseau des dirigeants helvétiques œuvrant à l’international ? Enfin, il s’avère nécessaire d’étudier plus finement un élément qui a peu été pris en compte dans le cadre de cet article : la multipositionnalité de ces acteurs. En d’autres termes, il faudrait davantage tenir compte de l’action de ces acteurs à différents niveaux d’échelles (locale, national et international)101. De fait, l’international permet-il de consolider une position à l’échelle nationale, voire locale. Ou inversement, les compétences développées à l’échelle locale ou nationale confèrent-elles un avantage pour officier dans les arcanes internationaux ? Ces démarches paraissent intéressantes au moment même où s’opère une discussion autour des apports de la démarche transnationale dans l’historiographique suisse102.

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1 Cet article est une version remaniée d’une présentation effectuée lors du congrès annuel de la Société suisse d’histoire économique 2017 dont la thématique portait sur l’histoire transnationale de la Suisse. Nous remercions les collègues présents ce jour-là et les promoteurs du projet «écrire une histoire transnationale de la Suisse» pour leur pertinente critique sur notre texte. De même, nous remercions les deux experts externes mandatés par la revue pour leur commentaire fort stimulant ainsi que Nicola Sbetti pour nous avoir encouragé à retravailler et à soumettre ce papier.

2 L’élite est ici considérée de manière «positionnelle» et concerne avant tout les membres du comité de direction (comité centrale et comité de football) de l’organisation.

3 B. Keys, Globalizing Sport. National Rivalry and International Community in the 1930s, London, Harvard University Press, 2006; G. Bernasconi, De l’Universalisme au transnational: le Comité international olympique, acteur atypique des relations internationales, in «Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin», 31, 1, 2010, pp. 151-159; A. Beacom, International Diplomacy and the Olympic Movement: the New Mediators, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012.

4 Pour un état de la littérature sur le sujet voir: P. Vonnard, G. Quin, Studying international sports organisations during the Cold War, in «Sport in history», 37, 3 (2017), pp. 265-272.

5 J. Sudgen, A. Tomlinson, FIFA and the Contest for World football: who Rules the Peoples’ Game?, Cambridge, Polity Press, 1998; C. Eisenberg et al., FIFA 1904-2004. Le siècle du football, Paris, Le cherche midi, 2004.

6 Des études ont été conduites sur les présidents de la FIFA, voir : A. Tomlinson, FIFA and the men who made It, in «Soccer and Society», 1, 1 (2000), pp. 55-71; G. Quin, P. Vonnard, La Présidence inamovible du football Jules Rimet (1873-1956), in Les grands dirigeants du sport. 23 portraits et stratégies de management, a cura di E. Bayle, De Boeck, Bruxelles, 2014, pp. 25-43. Sur des biographies collectives voir également: G. Quin, Une première élite du football européen (1904-1956), ou les prémices d’un champ footballistique européen, recherche réalisée dans le cadre de l’UEFA Research Grant Programme 2011-2012.

7 H. Homburg, Ernst Thommen, die Schweiz und der Weltfussball, 1946-1962, in «Basler Zeitschrift für Geschichte und Altertumskunde», 107 (2007), pp. 69-102; Grégory Quin, Promoteur et dirigeant ‘‘sportif’’: Francis Messerli (1888-1975) pionnier de l’organisation du sport helvétique, in Les grands dirigeants et managers du sport. Trajectoires, pratiques et héritages, a cura di E. Bayle, Bruxelles, De Boeck, 2014, pp. 45- 57. Voir aussi les contributions de Q. Tonnerre (A. Mayer), P. Vonnard (E. Thommen) et B. Zumwald (K. Gassmann) dans: G. Quin, P. Vonnard, C. Jaccoud (dir.), Des hommes et des réseaux. Le rôle de la Suisse dans le développement du sport international (1912-1972), Neuchâtel, Alphil, sous presse; et pour une perspective comparative: P. Dietschy, La Belgique et la Suisse dans la construction du football international (1904-1930), in En marge des grands :le football en Belgique et en Suisse, a cura di T. Busset, B. Fincoeur, R. Besson, Peter Lang, Berne, pp. 17-36.

8 M. Herren, S. Zala, Netzwerk Aussenpolitik. Internationale Organisationen und Kongresse als Instrumente der schweizerischen Aussenpolitik 1914-1950, Zürich, chronos, 2002; M. Herren, Networking the International System. Global Histories of International Organization, Cham, Springer, 2014.

9 A. Fleury, Les petits Etats dans la politique européenne au XXe siècle, in Les petits Etats et la construction européenne, a cura di M. Dumoulin, G. Duchenne, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2002, pp. 15-46. Sur des aspects non-institutionnels, voir également: S. Bott et al., Neutrality and neutralism in the Global Cold War : between or within the Blocs?, London, Routledge, 2015.

10 J. Berthoud, G. Quin, P. Vonnard, Le football suisse. Des pionniers aux professionnels, Lausanne, PPUR, 2016; C. Koller, Sport transfer over the channel: elitist migration and the advent of football and ice hockey in Switzerland, in «Sport in Society», 20, 10 (2017), pp. 1390-1404

11 En 1895 le terme exact est l’Association suisse de football (ASF). En 1919, et suite à une réorganisation, l’Association suisse de football devient l’Association suisse de football et d’Athlétisme. Cette dénomination perdure jusqu’à la fin des années 1950. Pour des raisons de facilité d’écriture, nous utilisons volontairement le terme ASFA pour toute la durée temporelle couverte dans le cadre de cet article.

12 P. Lanfranchi, Football et modernité. La Suisse et la pénétration du football sur le continent, in «Traverse», 3, 15 (1998), pp. 76-87.

13 A. Rasmussen, Tournant, inflexions, ruptures: le moment internationaliste, in «Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle», 19, 1 (2001), pp. 27-41.

14 Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), Union royale belge des sociétés de football- association (URBSFA), Association suisse de football (ASFA), Nederlandse voetball Bond (NVB), Dansk boldspil union (DBU), Svenska boldspil förbundet (SBF) et Madrid football club (Espagne). À noter que le Deutsche fussball bund (DFB) adhère par télégramme.

15 Archives de la Fédération internationale de football association (AFIFA), Statuts, Statuts de 1904, art. 2.

16 AFIFA, Congrès, Procès-verbal du congrès ordinaire des 3-4 juin 1906.

17 À partir du milieu des années 1920, de véritables «traditions footballistiques» sont établies entre plusieurs associations nationales. G. Quin, P. Vonnard, Internationale Spiele der Schweiz im Zweiten Weltkrieg. Sport und Politik, Kontinuitäten und Traditionen, in Europäischer Fussball im Zweiten Weltkrieg, a cura di M. Herzog, F. Brändle, Stuttgart, Kohlhammer, 2015, pp. 177-195.

18 Chiffre déduit à partir d’une lecture des Handbook de la FIFA de 1934 et 1950, qui a été croisée avec les données du très sérieux site de statistique footballistique rsssf.com.

19 Concept inspiré de celui de «communauté internationale sportive» proposé par Barbara Keys.

20 Des recherches restent à mener sur les raisons exactes de cet établissement dans la Confédération. Si le gouvernement fédéral n’encourage pas formellement ce type de démarche, à l’échelle cantonale, il n’est pas impossible que des conditions favorables - notamment en matière fiscale - ont pour but d’attirer ce genre d’organisation. Sur la fiscalité favorable de la Suisse durant l’entre-deux-guerres, voir: C. Farquet, La défense du paradis fiscal suisse avant la Seconde Guerre Mondiale: une histoire internationale, Neuchâtel, Alphil, 2016 (chapitre 4 et 5). Par ailleurs, il faudrait également déterminer la position exacte de l’ASFA car aucune lettre de candidature n’a été à ce jour retrouvée, ni dans les archives de la FIFA, ni dans celles de l’ASFA et aucune déclaration d’intention de placer le siège en Suisse ne semble, du moins officiellement parlant, avoir été faite lors de l’assemblée générale de la FIFA de l’année précédente.

21 Pour quelques mots sur l’établissement du CIO à Lausanne voir: P. Morat, Le C.I.O à Lausanne. 1939-1999, Yens sur Morges, Editions Cabédita, 2000.

22 Voir par exemple: S. Kott, Germany globalized? German social policy and the international Labor organization, 1900-1950, in German Zeitgeschichte.Konturen eines Forschungsfeldes, a cura di T. Lindenberger, M. Saborw, Göttingen, Wallstein Vergal, 2016, pp. 58-80. Au sujet du domaine sportif, on lira l’étude désormais classique de Hans-Joachim Teichler voir : H.-J. Teichler, Internationale Sportpolitik im Dritten Reich, Schorndorf, K. Hofmann, 1991.

23 C. Ottogalli-Mazzacavallo, T. Terret, La Fédération internationale d’escrime en guerre: de la spoliation à l’épuration (1939-1948), in «Sport History Review», 42, 1 (2011), pp. 1-16.

24 P. Clastres, Neutralité politique, compromissions avec le régime nazi, continuité olympique. Les présidents successifs du CIO (1925-1972) au défi des Jeux de Berlin, in Sport, corps et sociétés de masse, a cura di G. Bensoussan et al., Paris, Armand Colin, 2012, pp. 211-228.

25 Dès 1940, le comité exécutif ne peut plus se réunir au complet. En conséquence, il est décidé que ce sera le comité d’urgence - composé du président, du secrétaire et de 2 vice-président - qui devra assurer la conduite des affaires de l’organisation. Bauwens, qui n’occupe qu’une fonction de «membre» au sein du comité exécutif, demande rapidement à intégrer le comité d’urgence, démarche qui est acceptée par ses collègues.

26 H. Wahlig, Dr. Ivo Schricker : Ein Deutscher in Diensten des Weltfussballs, in Hakenkreuz und rundes Leder. Fussball im Nationalsozialismus, a cura di L. Peiffer, D. Schulze-Marmeling, Göttingen, Verlag die Werkstatt, 2008, pp. 197-206.

27 AFIFA, Correspondance de Rodolphe Seeldrayers, Lettre de Schricker à Seeldrayers, 20 mai 1940. Le Rigi est une montagne qui se situe en Suisse centrale, à proximité de la ville de Lucerne.

28 G. Kreis (a cura di), Die Schweizer Neutralität. Beibehalten, umgestalten oder doch abschaffen, Zurich, Werd Verlag, 2007.

29 Pour un propos détaillé sur cette période de la FIFA voir: P. Vonnard, G. Quin, Promouvoir et jouer au football pendant la guerre? La Fédération Internationale de Football Association, les forces de l’Axe et la Deuxième Guerre mondiale, in «Hispania nova», sous presse.

30 Quin, Op. cit., p. 96.

31 Archives de l’Association suisse de football et d’Athlétisme (AASFA), dossier (BD 81), pochette 130.10. Procès-verbal du comité de football du 17 août 1946, p. 4.

32 Les rapports officiels des Jeux olympiques de 1948 ont été consultés auprès du Centre d’Études Olympiques du Musée Olympique à Lausanne.

33 P. Vonnard, La Figure du médiateur. Les années FIFA de Ernst Thommen, in Quin, Vonnard, Jaccoud, Op. cit., sous presse.

34 B. Zumwald, Administrer et développer le football. Kurt Gassmann et son engagement en faveur du football suisse et international, in Quin, Vonnard, Jaccoud, Op. cit., sous presse.

35 Quin, Op. cit., p. 253 et suivantes.

36 Les données sont construites sur la base des annexes du rapport suivant: Quin, Op. cit., p. 253 et suivantes.

37 AFIFA, Statuts, exemplaire de la première constitution, 1904.

38 F. Carpentier, Le conflit entre le C.I.O. et la F.I.F.A. dans l’entre-deux-guerres. Les Jeux olympiques contre la Coupe du monde de football, in «STAPS», 68, 2 (2005), pp. 25-39.

39 P. Dietschy, French Sport: Caught between Universalism and Exceptionalism, in «European Review», 19, 4, (2011), pp. 509-525.

40 G. Quin, La Coupe de l’Europe Centrale (1927-1938), une compétition internationale oubliée?, in «Stadion. Revue Internationale d’Histoire du Sport», 37, 2 (2013), pp. 285-304.

41 L’Auto, 7 décembre 1926.

42 P. Lanfranchi, A. Wahl, Les footballeurs professionnels des années 1930 à nos jours, Paris, Hachette, 1995.

43 Pour des détails sur ces discussions voir: A. Wahl, Histoire de La Coupe du monde. Une mondialisation réussie, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2013.

44 P. Dietschy, Op. cit., p. 32.

45 AFIFA, Congrès, Procès-verbal du congrès ordinaire des 17-18 mai 1929.

46 L. Jalabert D’Amado, “Montevideo 1930” ou l’amnésie européenne. Etude d’une Coupe du monde ignorée, Mémoire de master, Université de Paris III, 2014.

47 Le nom choisi et le fait que les équipes défilent, lors de la cérémonie d’ouverture, derrière leur drapeau national, montrent que le tournoi dépasse largement le cadre des clubs. L. Lüscher, La Coupe des nations 1930. Une compétition «européenne» dans la Genève Internationale. Mémoire de master, Université de Lausanne, 2015.

48 Le journal sportif allemand Kicker n’hésite pas à la nommer «Die Genfer Kleine Olympiade».

49 Seuls cinq autres associations européennes font le déplacement pour la phase finale: Angleterre, Espagne, Italie, Suède et Yougoslavie.

50 AFIFA, Correspondances de Jules Rimet, Lettre de Schricker à Rimet, 18 septembre 1950.

51 La base légale du soutien au monde du sport dans la Confédération est encore floue et l’Etat fédéral ne soutient en principe pas financièrement parlant de telles manifestations. Q. Tonnerre, G. Quin, «Les Suisses n’iront pas à Melbourne pour n’avoir pas trouvé d’avion convenable». Histoire d’une non-participation olympique (1948-1956), in «Revue Suisse d’Histoire», 67, 3 (2018), pp. 343-360.

52 D. Prudent, Processus organisationnel d’une manifestation sportive d’envergure internationale dans les années 1950. Exemple de la Coupe Jules Rimet 1954 en Suisse, Mémoire de master, Université de Lausanne, 2018.

53 Archives du Musée du Sport Suisse, Bibliothèque (AAMSS), Rapport général sur le 5ème Championnat du Monde de Football – Coupe Jules Rimet 1954 en Suisse, p. 6.

54 Pour des informations sur la création et les premiers développements du Sport Toto, voir: X. Breuil, Histoire des paris sportifs dans le football: étude comparée des modèles belge et suisse depuis la fin des années 1920 jusqu’en 1985, in : T. Busset, B. Fincoeur, R. Besson, Op. cit., pp. 79-98.

55 Par exemple, le Sport-Toto avance CHF 2’4440’000.- sur les CHF 3’500’000.- que coûte la construction du nouveau stade de Berne. D. Prudent, Op. cit., p. 31.

56 Dans son livre de synthèse sur la Coupe du monde, Alfred Wahl insiste sur le fait que, pour la première fois de l’histoire de l’épreuve, le tourisme est une composante essentielle de la manifestation. Wahl, Op. cit., p. 150. Sur la prise en compte du tourisme lors de la Coupe du monde de 1954 voir: P. Vonnard, G. Quin, More than just football: Reflections on the case of the 1954 World cup in Switzerland, in: «Entreprises et histoire», 93, 4 (2018), pp. 75-89.

57 AASFA, Documents sur la Coupe du monde 1954, «Rapport de Ernst Thommen destiné à la commission d’organisation de la FIFA pour la séance du 30 novembre au 1er décembre 1954 à Londres».

58 Sur ces revendications voir: P. Vonnard, Gouverner le football européen. La prise d’indépendance de l’UEFA vis-à-vis du pouvoir de la FIFA (1953-1961), in Le sport et ses pouvoirs, a cura di J. Vincent, M. Schotté, Reims, Epure, sous presse. Afin de gérer au mieux l’aspect financier de la FIFA, une commission des finances est mise sur pied en 1956, cette dernière étant présidée par Ernst Thommen. AFIFA, Commission des finances, «Suggestion de M. E. Thommen, président de la Commission Financière de la AFIFA concernant le contrôle des dépenses de la FIFA», non-daté.

59 Au final, ce seront toutefois 36 équipes issus de 4 continents qui se disputeront les 16 places dans la phase finale.

60 J. C. Meyer, La fondation du “Grand Stade“. De la triomphale retransmission en direct de la Coupe du monde 1954 et de ses avatars dans les pays membres de l’Eurovision (1954-1958), in «Traverse. Revue d’histoire», 23, 1 (2016), pp. 49-59.

61 Des investigations sont à mener sur la teneur de ces liens. Merci à François Vallotton pour cette suggestion de recherches.

62 H. Homburg, Financing world football: A business history of the Fédération Internationale de Football Association, in «Zeitschrift für Unternehmensgeschichte», 53, 1 (2008), pp. 33-69.

63 AFIFA, Congrès, Procès-verbal du congrès ordinaire des 27-28 juin 1914.

64 Le conflit semble avoir bénéficié au développement du football. Pour une discussion sur ce point voir: P. Dietschy, Le sport et la Grande Guerre: problématique et approches historiques, in Le sport et la guerre: XIXe et XXe siècles, a cura di L. Robène, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, pp. 25-32.

65 B. Macon, The politization of football: the European game and the approach to the Second World War, in «Soccer and Society», 9, 4 (2007), pp. 532-55.

66 C. Koller, Das Boykottspiel: Schweiz-Deutschland 4:1 (27.6.1920), in Sterndstunden des Schweizer Fussballs, a cura di Christian Koller, Fabian Brändle, Münster, Lit Verlag, 2008, pp. 77-88.

67 Les Britanniques semblent même porter avec eux l’idée de créer une nouvelle organisation internationale. N. Onyestak N., Boycott, Exclusion or Non-participation? Hungary in the Years of the 1920 and 1984 Olympic Games, in: «The International Journal of the History of Sport», 27, 11, (2010), p. 1926.

68 P. Dietschy, Histoire du football, Paris, Perrin, 2014, p. 159.

69 A. Fleury, Genève: lieu de mémoire d’une Europe rêvée et de l’Europe des réalités, in Penser l’Europe: quarante ans d’études européennes à Genève, a cura di S. Ghervas, S. Guindani, Genève, Université de Genève, 2003, pp. 89-96.

70 AFIFA, Congrès, Procès-verbal du congrès ordinaire des 20-21 mai 1923.

71 L. Artiaga, Jeux de pouvoir aux premiers temps de la Fédération internationale de basket-ball, in Le continent basket. L’Europe et le basket-ball au XXe siècle, a cura di F. Archambault, L. Artiaga, G. Bosc, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2015, pp. 47-65.

72 J. De Senarclens, Bonnet, Gabriel, in «Dictionnaire historique de la Suisse», consulté en ligne en septembre 2018 (http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F33487.php).

73 J. Defrance, La politique de l’apolitisme. Sur l’autonomisation du champ sportif, in «Politix», 50, 13 (2000), p. 13-27.

74 Pour un propos préliminaire du profil sociologique de ces élites voir: P. Vonnard, P., Œuvrer en faveur du football européen. Jalons biographiques sur les précurseurs de l’UEFA (1920-1960), in L’Europe du football. Sociohistoire d’une construction européenne, a cura di W. Gasparini, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2017, pp.107-121.

75 J. Schot, V. Lagendijk, Technocratic internationalism in the interwar years: building Europe on motorways and electricity networks, in «Journal of Modern European History», 6, 2 (2008), pp. 196-217.

76 A partir du retournement de la guerre des années 1942-1943, le gouvernement adressent des reproches aux dirigeants de l’ASFA et leur demande de ne plus organiser ce type de rencontres sans son consentement.

77 AFIFA, correspondance avec les associations nationales: Suisse (1938-1950), Lettre de Krebs et Käser à l’Union belge des sociétés de football-association, 3 juillet 1945.

78 N. Sbetti, The Quest for Legitimacy. The Road to Redemption for Italian Football in Europe after the Second World War (1943-1949), in Building Europe with the ball. Turning points in the Europeanization of Football (1905-1995), a cura di P. Vonnard, G. Quin, N. Bancel, Oxford, Peter Lang, 2016, pp. 101-119.

79 AFIFA, Statuts, édition de 1938, article 6.

80 AFIFA, Comité exécutif, Procès-verbal du comité exécutif des 10-12 novembre 1945.

81 H. Wahlig, Ein Tor zur Welt. Der deutsche Fußball und die FIFA 1945-1950, Göttingen, Verlag die Wersktatt, 2010.

82 H. Dichter, Kiking around international sport: West Germany’s return to the international community through football, in «The International Journal of the History of Sport», 30, 17 (2013), pp. 2031-2051.

83 La Semaine sportive, 23 novembre 1950.

84 J. Hanhimäki, Non-aligned to what? European neutrality and the Cold War, in Bott, Hanhimaki, Schaufelbuehl, Wyss, Op. cit., pp. 17-32.

85 A noter que dans le champ du sport, des acteurs ont déjà entretenu des liens avec l’Union soviétique (en particulier avec la VOKS, la société soviétique pour les relations culturelles à l’étranger) durant l’entre-deux- guerres, tel Francis Messerli, l’un des principaux laudateurs de l’olympisme en Suisse. J.-F. Fayet, VOKS: le laboratoire helvétique: histoire de la diplomatie culturelle soviétique durant l’entre-deux-guerres, Chêne-Bourg, Georg (voir les pages 288 et 427).

86 AFIFA, comité exécutif, Procès-verbal du comité exécutif du 23 octobre 1946.

87 AFIFA, correspondance avec les associations nationales : Suisse (1938-1950), Lettre de J. Krebs et H. Käser au président de l’organisme central du sport soviétique, 1er avril 1947.

88 Si nous exceptons une rencontre entre l’Italie et la Yougoslavie. Cependant, cette dernière occupe une position particulière dans le bloc communiste suite au différend qui oppose Tito à Staline depuis 1948.

89 AFIFA, congrès, Procès-verbal du congrès ordinaire des 25-26 juillet 1946.

90 Angleterre, Ecosse, Guatemala, Irlande du Nord, Syrie et Union soviétique (1946); Afghanistan, Burma, Canada, Corée du Sud, Chypre, Gold Coast, Honduras, Iran, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Pays de Galles et Soudan (1948); Irak, Nicaragua et la Sarre (1950).

91 P. Vonnard, G. Quin, Did South America foster European Football?: Transnational influences on the continentalisation of FIFA and the creation of UEFA, 1926-1959, in «Sport in Society», 20, 10 (2017), pp. 1424-1439.

92 AFIFA, Congrès, Procès-verbal du congrès ordinaire des 22-23 juin 1950.

93 Travaillant au secrétariat de l’Ecole fédérale de Macolin, Bangerter connaît déjà plusieurs hauts dirigeants de la FIFA. En 1959, il deviendra secrétaire général de l’Union des associations européennes de football (UEFA), poste qu’il occupera jusqu’en 1989.

94 Dans un courrier, Seedlrayers indique à Gassmann: «je saisis à cette occasion, mon cher Gassmann, pour vous dire combien je suis heureux de votre bonne collaboration à la FIFA». AFIFA, réorganisation 50-53, Lettre de R. Seeldrayers à K. Gassmann, 15 janvier 1951.

95 AFIFA, comité exécutif, Procès-verbal de la délégation du bureau de la FIFA des 16-17 août 1951.

96 AFIFA, Comité exécutif, Procès-verbal du comité exécutif de la FIFA des 12-13 novembre 1953.

97 AFIFA, Rapports d’activité/financier, Procès-verbal du congrès extraordinaire des 14 et 15 novembre 1953. À noter que la Yougoslavie s’abstient, ce qui témoigne de sa position à part dans le bloc des pays communistes.

98 Sur la «continentalisation» de la FIFA et la formation de l’UEFA voir: P. Vonnard, L’Europe dans le monde du football. Genèse et formation de l’UEFA (1930-1960), Bruxelles, Peter Lang, 2018.

99 Archives de l’Union des associations européennes de football (AUEFA), Congrès (1954-1959), Procès-verbal de l’assemblée constitutive du Groupement européen, 15 juin 1954.

100 J. Reinisch, Introduction: Agents of Internationalism, in «Contemporary European History», 25, 2 (2016), pp. 195-205.

101 A. Dietze, K. Naumann, Revisiting transnational actors from a spatial perspective, in «European Review of History: Revue européenne d’histoire», 25, 3-4 (2018), pp. 415-430.

102 P. Eichenberger et al., Beyond Switzerland. Reframing the Swiss Historical Narrative in Light of Transnational History, in «Traverse. Revue d’histoire», 17, 1 (2017), pp. 137-152.